"Les urgences écologiques et sociales modifient nos pratiques presque en temps réel. Quelle architecture imaginer pour demain ? Comment construire aujourd'hui ? Comment rénover les bâtiments existants ?”
Laure-Anne Geoffroy Duprez, Présidente de l'UNSFA, l'Union des Architectes.
Un marché en pleine mutation
En 2020, le secteur des bâtiments générait 23 % des émissions de gaz à effets de serre français. Afin de réduire ce taux, la France a mis en place plusieurs actions et notamment RE2020. Depuis l’entrée en vigueur de la réglementation environnementale RE2020 le 1ᵉʳ janvier 2022, le secteur de la construction neuve connaît une profonde mutation. Cette nouvelle norme, essentielle pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, impose des exigences renforcées en matière de performance énergétique, de réduction des émissions de CO₂ et de confort thermique. De nouvelles tendances émergentes ont, elles aussi, impacté le paysage de la construction ces dernières années, le building information modeling (BIM) et les matériaux biosourcés ont forcé l’adaptation des architectes.
Ces évolutions ont bouleversé le travail des bureaux d’études et des architectes, qui ont dû repenser leurs pratiques et innover pour s’adapter. « Beaucoup d’entre eux ont dû repartir de zéro pour trouver des systèmes innovants », souligne Nathalie Tchang, directrice associée du bureau d’études Tribu Énergie (source : maf.fr). Pourtant, malgré ces défis et une demande croissante pour des profils qualifiés, le secteur peine à recruter. Entre les rémunérations souvent jugées faibles ; environ 7 à 8 % d’honoraires sur le montant total des travaux et le manque de formations adaptées, les talents se font rares…
L’architecture conventionnelle en difficulté
En 2024, seuls 330 400 logements ont été autorisés à la construction, soit une baisse de 12,3 % par rapport à l’année précédente (Ministère de la Transition écologique). Cette chute brutale entraîne une hémorragie d’emplois, avec 300 000 postes menacés d’ici à 2026, selon Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB).
Les agences d’architecture sont en première ligne : une sur deux dépend du marché du logement neuf. Avec le ralentissement des projets, beaucoup peinent à maintenir leur activité. En 2023, 40 % des architectes estimaient être en difficulté, un chiffre en hausse de 6 points par rapport à 2022 (Baromètre Architectes 2023 – Batiactu).
Mais au-delà de cette crise conjoncturelle, le marché évolue en profondeur. De plus en plus de promoteurs et investisseurs exigent désormais des bâtiments plus écologiques, conformes aux labels environnementaux (HQE, BREEAM, Passivhaus…) pour sécuriser leurs financements. De plus, les réglementations comme la RE2020 et l’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) imposent de nouvelles contraintes, obligeant les architectes à repenser leur approche : intégration de matériaux biosourcés et géosourcés, réduction de l’empreinte carbone et innovations techniques pour rester compétitifs.
Parallèlement, les nouvelles technologies transforment la profession. Le BIM (Building Information Modeling) déjà bien ancré et l’intelligence artificielle qui s’impose progressivement, accélèrent la mutation des métiers. D’après l’Archigraphie 2024, 19 % des architectes expérimentent déjà l’IA ou collaborent avec des agences investies dans cette technologie, preuve d’une volonté d’adaptation du secteur.

Enfin, l’essor de la rénovation énergétique et de l’éco-construction ouvre de nouvelles perspectives. La rénovation énergétique représente aujourd’hui 25 % du marché de l’entretien-rénovation du bâtiment, soit 23,8 milliards d’euros sur un total de 95 milliards en 2022 (Observatoire des métiers du BTP). Cette transformation du marché crée une demande croissante pour des experts en RE2020, matériaux biosourcés et BIM, confirmant la nécessité, pour les architectes conventionnels, d’évoluer vers des pratiques plus durables.
Des compétences spécifiques et hybrides
Face à l’évolution de ce secteur, les architectes doivent compléter leurs compétences en plus des fondamentaux conventionnels pour rester compétitifs.
Compétences en architecture conventionnelle
- Conception architecturale et urbanisme : élaboration de plans, respect des règles d’urbanisme et intégration des contraintes du site.
- Réglementation et normes classiques : maîtrise des codes de la construction, normes de sécurité (ERP, PMR, incendie) et autorisations d’urbanisme.
- Gestion de projet et suivi de chantier : coordination des acteurs, respect des délais et des budgets, gestion des appels d’offres et du choix des matériaux.
Compétences spécifiques à l’architecture durable
- Connaissance des matériaux biosourcés : bois, chanvre, terre crue…
- Techniques de construction bas-carbone : bâtiments passifs, énergie positive, réemploi des matériaux.
- Conception bioclimatique : orientation, ventilation naturelle, inertie thermique.
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Les défis du recrutement dans l’architecture durable
L’essor de l’architecture durable impose de nouvelles compétences aux professionnels et aux étudiants, qui doivent se former rapidement pour répondre aux exigences du marché. Pourtant, le recrutement dans l’architecture durable reste un véritable défi. Bien que ces cinq dernières années aient vu une hausse des enseignements liés à la transition écologique à l’ENSA (source : Caroline Lecourtois, Charlotte Aristide, Esin Ekizoglu, Isabelle Fasse, Kévin Jacquot, et al.. “Compétences et métiers d’avenir de la filière Architecture”. Secrétariat général pour l’investissement. 2023. ffhal-04594145), cela reste insuffisant. Les écoles d’architecture ne forment pas encore assez aux compétences requises (éco-conception, RE2020, BIM avancé), créant un véritable fossé entre la demande croissante de profils experts et le manque de professionnels qualifiés pour y répondre, faute de formation.
Aujourd’hui, une double compétence est indispensable, alliant construction durable et ingénierie thermique et environnementale. Les recruteurs privilégient désormais des profils hybrides, capables de collaborer étroitement avec des bureaux d’études et des experts techniques. Mais cette pénurie de main-d’œuvre qualifiée touche également le recrutement dans la construction au sens large, notamment pour les métiers en lien avec la transition écologique. Un autre frein majeur au recrutement dans l’architecture durable est le manque d’attractivité du secteur. Les salaires, jugés trop bas (entre 1 400 € et 1 900 € pour cinq ans d’études), ne reflètent pas les responsabilités assumées, et même avec une spécialisation, une rémunération plus élevée n’est pas garantie.
Face à ces mutations, les agences doivent repenser leur fonctionnement et adapter les modèles traditionnels pour adopter des structures plus agiles et pluridisciplinaires, où le travail collaboratif devient central. Pour répondre aux nouveaux enjeux, elles doivent intégrer des spécialistes en data science et ingénierie aux côtés des architectes, afin de bâtir une architecture plus durable et innovante.
Conclusion
Le marché de l’architecture en France est contrasté, avec une forte concurrence pour l’architecture traditionnelle et des défis économiques, tandis que l’architecture durable connaît une croissance rapide. Toutefois, le secteur souffre encore de difficultés de recrutement. Pour y remédier, investir dans la formation et l’attractivité des métiers liés à la construction durable est crucial. Les architectes spécialisés en performance énergétique, matériaux biosourcés et BIM seront particulièrement recherchés. Entreprises et candidats doivent s’adapter aux nouvelles réalités pour répondre aux défis de la transition écologique et bâtir les villes de demain.
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