photo de Jungle telle une parabole du développement durable

Évolutions de la réglementation environnementale

Contexte actuel de la réglementation environnementale

Au cœur de la transition écologique, les entreprises se trouvent à la croisée des chemins. Ainsi, ont-elles vécu une vague législative sans précédent qui redéfinit leur rôle. L’époque où la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) pouvait être perçue comme une simple option ou un avantage concurrentiel est révolue. Dorénavant, la RSE est devenue un impératif stratégique, sculptée par des législations françaises et européennes de plus en plus exigeantes.

Regardons de plus près la définition de la RSE par la Commission européenne: elle parle de “l’intégration volontaire des préoccupations sociales et environnementales”.  On note une différence avec les différentes lois (Grenelle de l’environnement ou loi Climat et Résilience) qui traduisent une réalité plus directe : l’intégration devient moins une option volontaire qu’une exigence incontournable. Aussi, ces textes, avec leurs batteries de mesures et d’obligations, vont plus loin. En outre, elles imposent aux entreprises de revoir leurs modèles d’affaires, leurs processus de production, et même leurs chaînes de valeur.

Alors, plongeons dans les 3 grandes étapes législatives durant lesquelles les législateurs ont orchestré les évolutions réglementaires.

Première Période : L’émergence de la conscience environnementale (2001-2010)

 La loi relative aux Nouvelles Régulations Économiques (2001)

L’aventure législative française en matière de développement durable a démarré en 2001 par l’adoption de la loi NRE. Cette disposition a contraint les sociétés cotées à intégrer dans leur rapport annuel des informations détaillées sur l’impact social et environnemental de leurs activités. Elle a posé la première pierre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), plaçant la France parmi les pionniers du changement.

Le protocole de Kyoto (entré en vigueur: 2005)

Signé en Décembre 1997, l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto en 2005 a marqué une étape cruciale au niveau international: elle impose le premier accord contraignant sous la forme d’engagements légaux. Les 191 pays signataires se sont engagés à réduire les émissions globales de six gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote et trois substituts des chlorofluorocarbones.). L’objectif associé ? Au moins 5 % en dessous des niveaux de 1990, et ce sur la période de l’engagement de 2008 à 2012. 

Plusieurs mécanismes flexibles sont toujours en vigueur aujourd’hui :

  • Le système d’échange de quotas d’émission. Il permet aux pays de vendre et d’acheter des droits d’émission pour atteindre leurs objectifs de manière économiquement efficace.
  • Le Mécanisme de développement propre (MDP). Il autorise les pays industrialisés à financer des projets de réduction des émissions dans les pays en développement et à compter ces réductions comme contribuant à leurs propres objectifs.
  • La Mise en œuvre conjointe (MOC). Il facilite l’investissement dans des projets de réduction des émissions au sein des différents pays signataires.

 

 La Directive 2003/87/CE

A l’échelle européenne, c’est en 2003 que l’Union européenne a établi un système d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE) sous la forme de la Directive 2003/87/CE. Cette directive a obligé les entreprises de secteurs clés, comme la production d’énergie et l’industrie lourde, à adopter des mesures concrètes pour réduire leurs émissions de CO2.  Ceci marque ainsi un tournant dans la gestion environnementale des entreprises.

 

Deuxième Période : Renforcement et intégration des enjeux climatiques (2011-2020)

Les Grenelles de l’environnement I et II (2009 et 2010)

Le Grenelle de l’environnement, lancé entre 2007 et 2010, a marqué une révolution dans la politique environnementale française. Pour la première fois, une démarche collaborative inédite entre l’État, les collectivités locales, les entreprises, les ONG et les citoyens, a vu le jour.

Cette initiative ambitieuse a débouché sur l’adoption de lois pionnières qui transforment radicalement l’approche sectorielle du développement durable. Chacune de ces mesures a été conçue pour répondre aux spécificités et aux besoins de chaque secteur:

  • Dans le bâtiment. Des normes d’efficacité énergétique ont été mises en place pour réduire la consommation d’énergie des nouveaux bâtiments et encourager la rénovation énergétique des anciens.
  • Pour les transports. Des mesures ont promu le développement des infrastructures de transport public et de la mobilité douce, ainsi que l’adoption de véhicules moins polluants.
  • Dans l’industrie. Des incitations ont été créées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer l’efficacité énergétique des processus industriels.
  • En agriculture. Des pratiques plus durables ont été encouragées pour préserver la biodiversité et réduire l’utilisation de produits chimiques.

Ainsi, ces lois concernent les sociétés de plus de 500 salariés (250 pour les établissements publics) ou réalisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Elles doivent tout d’abord établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) tous les 4 ans. Par ailleurs, elles s’engagent à fournir un plan qui comprend les objectifs et moyens d’actions envisagées pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

L’Accord de Paris

Conclu en 2015, cet accord a mobilisé la communauté internationale autour d’un objectif commun: limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Pour les entreprises françaises, cela s’est traduit par des objectifs nationaux ambitieux de réduction des émissions, les poussant à revoir leurs stratégies environnementales.

 

 La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV 2015)

Ce texte prévoit 5 Objectifs:

 

  • Objectif n°1: Diminution de l’émission de gaz à effet de serre.

 

  • Objectif n°2: Sobriété énergétique.

 

  • Objectif n°3: Augmentation de la part des énergies renouvelables.

 

  • Objectif n°4: Réduction de la part du nucléaire.

 

  • Objectif n°5: Diminution de la consommation d’énergies fossiles.

 

 

Objectifs et résultats de la transition énergétique: émissions GES, hausse part ENR dans mix énergétique, consommation énergétique, baisse consommation des fossiles

Evaluons en détails les résultats:

Objectif n°1: Diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Quelle est la situation fin 2023 ?

  • Diminution des émissions brutes de 4,2 MtCO2e en 2022, les émissions nettes dépassent de 16 MtCO2e les plafonds nationaux
  • Réduction des émissions dans le Bâtiment à 11 MtCO2e, industrie stable à 73 MtCO2e malgré plus de gaz fossile.
  • L’agriculture dépasse légèrement son objectif de 0,5 MtCO2e, et les transports excèdent de 4,5 MtCO2e leur seuil
  • Une diminution globale de 4,6% en 2023 (source: Observatoire Climat énergie)

Objectif n°2: Diminuer la consommation énergétique de 50 % en 2050 par rapport à 2012, avec un objectif intermédiaire de 20 % de réduction en 2030.

Quelles résultats ont été atteints ?

  • En 2023 la France a consommé 3,2% de moins qu’en 2022 après une baisse cumulée de 6% entre 2021 et 2022 (sources RTE).

Objectif n°3: Porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale d’énergie en 2020 et à 32 % de la consommation finale d’énergie en 2030.

Quel résultat aujourd’hui ?

  • La France accuse un retard, avec une consommation de 26,7 TWh de fossiles de plus que prévu et 20,7% de renouvelables dans son mix énergétique contre un objectif de 24,3% à 2023 (Source: SDES, Ministère de la Transition Énergétique)

Objectif n°4: Réduire la part du nucléaire à 50 % du mix électrique d’ici 2035, contre environ 75 % à l’époque de l’adoption de la loi.

Quelles sont les chiffres de la part du nucléaire dans le mix énergétique français ?

  • L’an dernier, l’origine nucléaire de l’électricité en France a chuté à 62,7%, contre 69% en 2021 et plus de 70% les années précédentes (sources RTE).

Objectif n°5: Réduire la consommation d’énergies fossiles de 40 % en 2030 par rapport à 2012.

Résultats:

  • En 2021, les consommateurs finaux ont utilisé 64,1% de combustibles fossiles pour leur énergie, répartis en 2,0% de charbon, 42,0% de pétrole et 20,2% de gaz naturel. La consommation énergétique primaire d’énergies fossiles est supérieure de 2,4% aux objectifs (source Observatoire climat énergie). 

 

La Directive 2014/95/UE

L’Union européenne a aussi joué un rôle majeur avec la Directive 2014/95/UE, qui a étendu les obligations de reporting extra-financier des entreprises côtés en Bourse aux grandes entreprises, leur demandant de divulguer comment elles abordent les enjeux sociaux et environnementaux. Le champ des informations à transmettre et le formalisme de communication (principes du Global Reporting Initiative) ont aussi été enrichis.

Cependant, face à l’évolution des attentes des parties prenantes et à la nécessité d’une plus grande cohérence et comparabilité des informations non financières, l’Union européenne a travaillé sur le renforcement et l’élargissement de ces obligations de reporting. Ce sont les normes européennes en matière de reporting de durabilité (ESRS) dans le cadre du Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui prévalent désormais.

Troisième Période : Vers une économie durable et circulaire (2021 et au-delà)

La loi PACTE (2019)

En 2019, la loi PACTE a inclus, parmi ses nombreuses réformes, des mesures encourageant les entreprises à intégrer les considérations sociales et environnementales dans leur stratégie d’entreprise. Un pas de plus vers la durabilité intégrée au modèle d’affaires.

Deux faits marquants sont à retenir de la loi PACTE:

  • Modification de l’article 1833 du Code civil: la loi PACTE stipule désormais que « la société est gérée dans son intérêt social. Elle prend en considération « les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Cette reformulation élargit la mission des entreprises au-delà de la simple recherche de profit, en les engageant à contribuer positivement à la société et à l’environnement.
  • Promotion des entreprises à mission: un statut permet aux entreprises de se fixer des objectifs sociaux et environnementaux spécifiques. Ceci va au-delà de leurs objectifs économiques et s’insère au sein même de leurs statuts. Ce cadre législatif offre une opportunité pour les entreprises: se distinguer en tant qu’acteurs engagés dans la transition écologique et sociale. Ceci renforce leur attractivité auprès des consommateurs, des investisseurs et des talents qui partagent ces valeurs.

Le Pacte Vert pour l’Europe (2019)

Le Green Deal européen, lancé la même année par la Commission européenne, vise à transformer l’UE en une économie moderne, moins gourmande en ressources, avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Ce plan d’action a marqué toutes les entreprises, grandes et petites, les incitant à repenser leurs opérations dans un esprit de durabilité.

La loi Climat et Résilience (2021)

Enfin, la loi Climat et Résilience de 2021 a renforcé l’engagement de la France en fixant l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990. 

Changements et Obligations pour les Entreprises

  • Éco-conception des produits : Les entreprises sont encouragées à adopter des principes d’éco-conception pour réduire l’impact environnemental de leurs produits tout au long de leur cycle de vie.
  • Responsabilité élargie du producteur: Extension du principe de responsabilité élargie du producteur (REP) à de nouveaux produits, obligeant les entreprises à prendre en charge la fin de vie de leurs produits.
  • Rénovation énergétique : Des obligations accrues en matière de rénovation énergétique des bâtiments pour les propriétaires bailleurs, impactant les entreprises possédant ou utilisant des locaux commerciaux.
  • Interdiction de certains plastiques à usage unique: Renforcement des mesures contre les plastiques à usage unique, affectant les entreprises dans les secteurs de la restauration, de l’emballage, et de la distribution.
  • Publicité pour les énergies fossiles: Interdiction des publicités pour les énergies fossiles, influençant les stratégies marketing des entreprises du secteur énergétique.
  • Mobilité durable: Obligations pour les entreprises de plus de 50 salariés de mettre en place un plan de mobilité pour encourager les déplacements plus durables de leurs employés.

Impact Réel pour les Entreprises

Ces mesures obligent les entreprises à intégrer des considérations environnementales dans leur stratégie globale, leur gestion opérationnelle et leurs décisions d’investissement. Elles doivent désormais évaluer et minimiser leur empreinte écologique, adopter des pratiques plus durables, et souvent innover pour se conformer à la réglementation. Déroger à ces instructions peut les amener à des amendes financières, des obligations de mise en conformité, des restrictions d’activité ou retrait de licence, une exclusion des marchés publics.

Les perspectives d’évolutions des réglementations

Au cœur des perspectives d’évolution législative en matière de transition écologique et de responsabilité sociale, la transformation de la Directive 2014/95/UE sur le reporting non financier en Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) incarne une ambition renouvelée de l’Union européenne pour une économie plus transparente et responsable. 

La CSRD : un nouveau paradigme

La CSRD élargit le champ d’application de la directive précédente. Désormais toutes les grandes entreprises et entreprises cotées (à l’exception des micro-entreprises) divulguent des informations détaillées sur la manière dont elles intègrent la durabilité dans leurs opérations et leurs chaînes de valeur. Cela comprend non seulement les impacts environnementaux, mais aussi les aspects sociaux, les droits de l’homme et la gouvernance. L’objectif est de fournir une image complète de l’impact de l’entreprise sur la société et l’environnement. La durabilité devient un élément incontournable de l’analyse financière et de l’investissement.

Perspectives: incitations et cadre réglementaire stable

Pour accompagner cette ambition collective, l’UE et les législateurs nationaux doivent désormais offrir aux entreprises des incitations tangibles et un cadre réglementaire stable. Cela passe par des mesures de soutien telles que des avantages fiscaux pour les investissements verts, des subventions pour la recherche et le développement dans les technologies propres, et une clarification des attentes réglementaires à long terme.

Les entreprises ont besoin de visibilité sur les règles du jeu pour s’engager pleinement dans la transition écologique. Un cadre législatif stable et prédictible permet aux entreprises de planifier avec confiance leurs investissements dans des solutions durables, d’innover en matière de produits et services respectueux de l’environnement, et de construire des chaînes d’approvisionnement éthiques et durables.